Deuxième étape du projet Wide Open, tour du monde des écosystèmes d’innovation positive : l’urbanisme transitoire à Montréal.

Ce mois-ci, nos deux exploratrices ont mis les voiles direction Montréal et font en ce moment escale auprès du Projet Young, site pionnier en matière d’occupation temporaire d’un bâtiment industriel municipal, dans la ville de Montréal. L’occasion pour l’équipe Wide Open de se pencher sur la question de l’urbanisme transitoire, nouvelle pratique durable entre préservation du patrimoine et inclusion des communautés fragilisées.

 

AU DELÀ DE L’OCCUPATION TEMPORAIRE, L’URBANISME TRANSITOIRE

Pour les propriétaires, publics ou privés, laisser des immeubles vacants implique un coût considérable : frais de maintenance, coûts d’opportunité, dégradation de l’image; risque de délabrement… Une des solutions  -apparue dans les années 70- pour couvrir ces coûts, consiste à mettre à disposition l’espace temporairement vacant, pour la mise en place de projets éphémères. On parle alors d’occupation temporaire.  L’urbanisme transitoire quant à lui, implique une dimension supplémentaire : le projet temporairement hébergé, prépare et préfigure le projet d’aménagement pérenne qui lui succédera. Il s’agit de connecter les usages passés, actuels et à venir du lieu. Valorisant les bâtisses, notamment patrimoniales, l’urbanisme transitoire permet également de préfigurer le projet urbain pérenne qui succédera à l’expérience temporaire.

 

DE PARIS À MONTRÉAL, ZOOM SUR LES PREMIERS PAS D’UN URBANISME TRANSITOIRE INCLUSIF

Ces pratiques émergentes sont rendues possibles grâce à la collaboration d’acteurs publics, de propriétaires et d’acteurs intermédiaires, orchestrant des projets transitoires avec les communautés. C’est l’opportunité  de faire profiter  d’espaces à bas coûts à des structures ne pouvant se permettre de louer autrement et de créer des écosystèmes éphémères positifs. L’urbanisme transitoire rime alors avec inclusion, égalité des chances et innovation durable.

Les Grands Voisins et le Projet Young, respectivement à Paris et Montréal, sont deux projets pionniers particulièrement parlant en terme d’urbanisme transitoire inclusif. Dans le monde de l’immobilier 2.0, les démarches de ces écosystèmes transatlantiques se démarquent par leur approche inclusive, offrant l’opportunité à des communautés locales de bénéficier d’espaces qu’ils ne pourraient se permettre autrement. Bien que nés dans des contextes juridiques, politiques et légaux distincts, ces projets montrent tous deux dans les faits, qu’un urbanisme transitoire inclusif est aussi possible que nécessaire.

LES GRANDS VOISINS

En 2012, l’annonce est faite : le site de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris, alors en cours d’acquisition par la Ville de Paris,  sera transformé en un nouveau quartier, avec la création de 600 logements. Les travaux du projet urbain n’étant prévu qu’en 2018, la période de vacance du site patrimonial donne l’occasion d’un projet pilote d’une durée déterminée : les Grands Voisins. Le site est initialement confié à l’association Aurore, spécialisée dans l’hébergement d’urgence et l’accueil de personnes vulnérables. En 2015, l’association Plateau Urbain vient en appui d’Aurore sur la coordination de l’occupation des lieux et accompagne les structures hébergées dans leurs projets d’installation. L’équipe de Yes We Camp, quant à elle, assure une dynamique collective féconde entre tous les résidents du site, et assure le défi d’une ouverture au public.

Aujourd’hui, à l’aube du début des travaux, près de 2000 personnes habitent et travaillent dans l’ancien hôpital désaffecté. Entre hébergement de personnes fragiles et occupation des locaux restants par des porteurs de projets associatifs, culturels et solidaires, la grande diversité de ses publics, ont fait des Grands Voisins un laboratoire urbain à grande échelle, terrain d’expérimentation de nouveaux usages, urbains, sociaux, environnementaux. En plus de dynamiser un quartier qui serait autrement resté sans vie pendant plusieurs années et d’apporter du soutien aux populations les plus fragiles, le site éphémère, ouvert à tous, a été un merveilleux observatoire des besoins et rêves des communautés locales, amenées à imaginer leur éco-quartier de demain.

LE PROJET YOUNG

Le projet Young, lancé par l’association Entremise, est le premier projet d’urbanisme transitoire de la ville de Montréal. Ce projet pilote est le fruit d’une collaboration inédite entre l’association Entremise, la Maison de l’innovation sociale, la fondation McConnell et la Ville de Montréal.

L’occupation temporaire d’un bâtiment industriel municipal vacant, au 204 rue Young, dans le quartier de Griffintown, permet de regrouper dans un même espace, pour une période de 22 mois les studios de la MIS, Maison de l’innovation sociale, le programme Ville d’Avenir, ainsi qu’une vingtaine d’organismes culturels et communautaires, d’artistes et d’entrepreneurs sociaux. Le projet permet à des structures qui ne pourraient se permettre de louer des espaces autrement, d’accéder à un espace central où développer leur activité, avec pour seule contribution financière le prix des charges. En échange chacun s’engage à contribuer à la dynamique collective du lieu.

Permettant non seulement d’augmenter l’égalité des chances pour ces porteurs de projets soigneusement sélectionnés pour leur investissement dans la dynamique du quartier, le projet est également l’occasion d’adapter l’approche de conception des logements sociaux à venir, au plus près des besoins exprimés par les communautés locales.

À la valeur d’usage du bâtiment, l’association Entremise ajoute une valeur sociale : le temps de vacance du site est l’occasion de prendre le poul des communautés locaux, de les laisser se réapproprier le site et d’y faire communauté, offrant ainsi un ancrage local très fort au projet urbain en devenir.

 

DES SITES TEMPORAIRES, POUR  DES VILLES EN TRANSITION

Au-delà de réduire les risques que présentent les bâtiments vacants, l’urbanisme transitoire permet à la municipalité de tester et prototyper des solutions permanentes pour son territoire, et de transformer même ses propres processus de construction de la ville, par l’intermédiaire d’acteurs plus agiles. C’est ce qu’a compris la ville de Montréal, qui a pris le pari de mettre à disposition un de ses bâtiments industriels vacants pour le projet pilote Young. Ayant trouvé le courage et la volonté politique d’aller de l’avant sans avoir toutes les réponses, la municipalité est maintenant bien décidée à faciliter davantage de projets pilotes dans les années à venir, et s’est engagée sur 10 projets similaire en vue d’une mise à l’échelle de l’urbanisme transitoire à Montréal.

Ces projets “Proof of concept” dans le domaine de l’occupation temporaire, illustrent avec brio la performance d’alliances multi-acteurs – privé, public, associatif- dans la résolution des enjeux urbains. Ces écosystèmes positifs offrent par ailleurs des terrains collectifs pour  expérimenter et œuvrer en faveur de nouveaux usages et solutions durables sur les territoires. Ouvrant un large champ des possibles, ce mouvement offre des alternatives positives au service d’une démocratie en bonne santé et d’une plus grande résilience des villes.

 

LE PROJET YOUNG EN VIDÉO

Nous sommes allés filmer le projet Young à Montréal, découvrez-le en 5 minutes !

INTERVIEW DU COFONDATEUR

Interview de Philémon Gravel, architecte co-fondateur du projet.