La 4e étape de l’exploration Wide Open s’est faite à Bogotá pour une escale à Casa B, un tiers-lieu culturel unique.
Si son taux de criminalité s’est apaisé ces dernières années, Bogotá reste marquée par l’insécurité : certains de ses quartiers – notamment du Sud – constituent de réelles « no-go zones ». Belén, situé à la frontière symbolique des quartiers riches du nord et pauvres du Sud, a longtemps été un quartier aussi dangereux que stigmatisé. Le centre culturel Casa B est un lieu hybride, dédié principalement à la jeunesse du quartier, qui vise depuis 2012 à donner un nouveau visage au territoire et ses ressortissants, à travers les arts, le sport et la mémoire.
UN TIERS-LIEU POSITIF, PAR ET POUR LES HABITANTS DU QUARTIER
Cet espace ouvert à tous comprend une bibliothèque, un espace de rencontre, un cinéma en plein air, un jardin biologique, un atelier de céramique et de sérigraphie… Avant tout un lieu d’expression, de partage et d’apprentissage, proposant de nombreux ateliers entièrement gratuits pour le plus grand nombre. Dans cet écosystème aux mille facettes s’imaginent et s’orchestrent de nombreux projets de quartier, avec et pour la communauté locale. A titre d’exemple, la production d’un journal local mensuel, l’animation d’une école de skateboard, des soirées thématiques, évènements culturels et bientôt l’ouverture d’une cuisine communautaire. Tiers-lieu positif, Casa B contribue par son approche inclusive et durable, à transformer positivement l’ensemble du quartier de Belén.
CONSTRUIRE DE NOUVEAUX IMAGINAIRES
Dans un territoire marqué par la violence, le choix des arts n’est pas le fruit du hasard. La clé de voute de Casa B est bien son approche culturelle, car ici, l’art révèle tout son potentiel politique. Un monde nouveau, d’éveils, de créativité et d’expression s’ouvre à Casa B pour la communauté locale. Le journal communautaire « Periférico », écrit ici par les jeunes du quartier, créer une narration nouvelle pour Belén. Loin des discours de stigmatisation inspirant peur, insécurité et marginalisation, on construit collectivement un nouvel imaginaire du quartier, en rendant visible pour la première fois ce que l’on ne prenait pas le temps de regarder. Ses forces et ses curiosités, ses métiers traditionnels, ses beautés du quotidien, l’histoire de ses anciens, l’actualité de ses ruelles étroites. Des vidéos produites par Casa B, ont également contribué à revaloriser ce « Belén », affiché pour la première fois avec fierté comme une marque de fabrique. En caisse de résonnance de la vie du quartier, le lieu transforme la perception que l’on a de ses rues et de ses habitants, depuis l’extérieur comme l’intérieur. Plus loin que des enjeux de communication ou d’attractivité, il s’agit surtout de donner la chance d’une nouvelle identité individuelle et collective aux habitants de Belén.
Tiers-lieu positif, Casa B contribue par son approche inclusive et durable, à transformer positivement l’ensemble du quartier de Belén.
RENFORCER LE TISSU SOCIAL
Si pour revitaliser un quartier, ajouter d’avantage d’espaces vert et colorer de tristes bâtisses peuvent être un bon début, ces mesures d’apparat sont bien loin d’être suffisantes. Les principaux agents de transformation d’un quartier sont ses propres communautés. Dans un territoire où les tentations du narcotrafic ou de la criminalité sont omniprésentes pour les jeunes, Casa B est là leur donne une voix et leur montrer que d’autres chemins sont possibles. En valorisant leur pensée, leur intelligence, le lieu a développé au fil du temps un modèle éducatif alternatif très efficace, offrant de nombreuses clés aux jeunes en recherche d’une nouvelle forme de voir et de vivre la vie. Les évènements communautaires renforcent également le tissu social, le sentiment d’appartenance et les liens de confiance fragilisés par la guerre, pour un Belén plus solidaire.
OUVRIR LE QUARTIER À BOGOTÁ ET AU RESTE DU MONDE
En tissant de nombreux partenariats, Casa B parvient à connecter la jeunesse de Belén – victimes d’une forte marginalisation – au reste de Bogotá, voir même au reste du monde. Une sortie au théâtre, l’occasion d’aménager à leur façon une salle du Musée d’Art Moderne, un concert à l’Institut français, un échange avec d’autres écoliers de Cuba : toutes les occasions sont bonnes pour faire briser cette frontière invisible encerclant le quartier de Belén. De plus, en valorisant, informant et démarginalisant, Casa B favorise l’appropriation des enjeux de société et la participation citoyenne locale, garantissant une démocratie en meilleure santé.
PRÉVENIR LES EFFETS DE LA GENTRIFICATION
Dans les premières années de sa création, les co-fondateurs ont dû apaiser les peurs de ceux qui voyaient en Casa B un outil de gentrification. Le phénomène de gentrification ou « embourgeoisement » comprend sa part de naturel : une zone plus sûre devient à tous les coups plus attractive. Pourtant la position de Casa B est claire, il ne s’agit pas d’attirer un public plus riche dans le quartier, mais de mener un processus de dignification du territoire, avec la complicité des locaux. D’ailleurs, Casa B vaut pour Casa Belén, cette véritable maison du quartier, inclusive et ouverte à tous, a relevé le défi de l’ancrage local avec le temps. C’est en organisant des activités pour les enfants que Casa B a peu à peu gagné la confiance des familles entières. Les envies et besoins de la communauté locale dictent les projets développés : c’est sûrement ce caractère éminemment participatif qui fait in fine de Casa B un lieu vivant et ancré dans son territoire. L’utopie évolue au rythme des rêves de tous et de chacun, et c’est ici que s’imagine et se prépare le futur de Belén. Pour aller plus loin, Wide Open vous invite à découvrir son interview de Dario Sendoya, co-fondateur de Casa B !
Cet article est publié sur Hub Smart City